mardi 29 avril 2014

Milunka Savić, héroïne de guerre serbe et femme militaire la plus décorée de la Première Guerre Mondiale



Portrait de Milunka Savic
Si l'on se rappelle du rôle décisif des femmes qui ont participé activement à l'effort de guerre durant la Première Guerre Mondiale en tant qu'infirmières ou cantinières, on entend très peu parler des femmes qui se sont retrouvées sur le front comme combattantes. Bien que la présence de femmes combattantes était exceptionnelle étant donné que les forces armées de l'époque ne les admettaient pas dans leurs rangs, certaines femmes ont fait exception et il est important de partager leurs histoires. L'un de ces oiseaux rares se nomme Milunka Savić, femme serbe à la carrière militaire des plus impressionnantes. 

Se faire passer pour un homme afin de joindre l'armée n'est pas un cliché de fiction

Si l'on ne connaît pas les raisons exactes pour lesquelles Slavić s'est engagée dans l'armée en 1913 (patriotisme? goût de l'aventure? ou pour remplacer son frère malade?), ont en connaît néanmoins les circonstances. Alors âgée de 22 ans, elle se fait passer pour un homme, se coupant les cheveux et adoptant le nom de Milun Slavić. Elle participe à la Seconde Guerre Balkanique et obtient le grade de caporal suite à ses prouesses durant la bataille de Bregalnica mais très vite, le subterfuge est révélé au grand jour alors que, blessée, elle est examinée dans un hôpital sur le front.
Milunka Savić standing in front of the camera wearing her uniform
Milunka Slavic se faisant passer pour un homme
Confus, son commandant lui propose de rejoindre l'unité infirmière où les femmes étaient admises. Refusant d'accepter un poste autre qu'au sein d'une unité combattante, elle lui répond en ces termes : "Je sais que je suis une femme, mais j'en suis une qui a passé ces dernières années à se battre sur le front. Les balles ont frôlé mes oreilles et les grenades m'ont piqué les bras." Le commandant consent à "réfléchir à la question". Slavić répond alors "j'attendrai". A peine une heure après, on lui accorde le droit de servir sur le front et elle est promue au rang de sergent. L'armée serbe ne voulait tout simplement pas se débarrasser d'un si bon élément simplement à cause des normes sociales.
Si ce travestissement rappelle la légende chinoise de Hua Mulan, il est intéressant de noter que de nombreuses femmes telles que Fatima des spahis, Dorothy Lauwrence, Hannah Snell, Cathay Williams ou Phoebe Hessel (voir la liste Wikipédia) y avaient également eu recours afin de prendre les armes aux cotés d'hommes. Les histoires de femmes se faisant passer pour des hommes durant les guerres se sont donc pas de l'ordre du mythe ou du topos littéraire mais découlent de faits historiques, certes isolés, mais bien existants tout au long de l'Histoire.

Des décorations prestigieuses récompensant des exploits militaires impressionnants

Milunka Savić memorial in Jošanička Banja in Serbia
Monument à la mémoire de Milunka Savic
 érigé dans les années 90 à Jošanička Banja
Les exploits militaires de Milunka Savić sont nombreux. Lors de la bataille de Kolubara, elle capture une vingtaine de soldats allemands. Durant la bataille de Crna Bend, ce sont 23 soldats bulgares qu'elle capture à elle seule. N'ayant peur de rien, Savić est connue pour ses attaques presque suicidaires en traversant le no man's land jusqu'au front adverse pour jeter des grenades et se battre avec sa baïonnette. Elle obtient en récompense pour ses prouesses la médaille de l'Ordre de l'Etoile de Karageorge, la plus haute distinction militaire serbe, deux fois, la Légion d'Honneur française, deux fois également mais aussi d'autres décorations.
En effet, lorsque les forces serbes se sont affaiblies, elles furent intégrées à elles de l'armée française. Une anecdote raconte que l'un officier français refusant de croire qu'une femme pût être un aussi bon soldat aurait lancé un défi à Savić: afin de lui faire prouver son agilité, il plaça une bouteille de Cognac de 25 ans d'âge à plus de 40 mètres, Savić devant l'atteindre avec une grenade. Elle toucha la bouteille de son premier jet. 

Une vie difficile après la Première Guerre Mondiale

Comme elle avait été intégrée dans l'armée française, on lui proposa de venir vivre en France et d'y recevoir une pension, ce qu'elle refusa. Elle reçu également comme pension militaire un terrain où elle s'installa au Nord de la Serbie. Elle y éleva seule sa fille (son mari l'ayant quittée) mais également trois orphelins qu'elle pu adopter et nourrir grâce à sa pension militaire. Lors de la Seconde Guerre Mondiale, elle dirigea un petit hôpital et s'occupa des blessés. Pour cette raison, elle fut envoyée dans un camp de prisonniers par les Allemands. Elle était sur le point d'être exécutée lorsqu'un officier Allemand reconnu son nom dans la liste des prisonniers et la fit libérer. Une fois le conflit terminé, ses ennuis ne l'étaient pas pour autant. Sous le régime de Tito, elle perdit ses avantages de militaire et dût travailler comme femme de ménage car illettrée. A sa mort, elle reçut néanmoins un enterrement avec les honneurs militaires.

Source:
http://ahistoryblog.com/2013/04/16/milunka-savic-1888-1973-woman-warrior/

lundi 21 avril 2014

Espionnes : les services secrets britanniques lancent une campagne de recrutement ciblant les femmes

Être mère, un atout majeur pour la profession

Le journal du Times a publié il y a quelques semaines un entretien avec un agent du MI6, le service de renseignement du Royaume-Uni chargé des opérations extérieures. "Lisa" (un nom d'emprunt évidemment) explique que le fait d'être une femme apporte des avantages pour l'espionnage. Selon elle, les capacités comme le multitasking ("les femmes peuvent faire plusieurs choses à la fois") ou encore une sensibilité accrue permettant de mieux lire le comportement d'autrui sont indispensables pour faire un bon espion. Les femmes seraient en général moins inquiétantes et donc moins soupçonnables. Être mère serait une meilleure couverture encore et permettrait d'infiltrer tous les milieux. "Vous savez, ils [les terroristes] ont des mères, des soeurs, des filles" nous explique Lisa. Il est tout à fait naturel que des mères se rencontrent et passent du temps ensemble, ce qui donne une excuse à l'espionne afin de pouvoir infiltrer les familles de leurs cibles. 

L'espionnage, ça n'a rien à voir avec James Bond

Lisa ne tarit pas d'éloges sur son métier qu'elle qualifie d'unique. L'espionnage permet d'être envoyé(e) dans différents pays. Elle pense également avoir rendu le monde "plus sécurisé au travers des opérations qu'elle a effectuées et des agents qu'elle a chapeautés". Néanmoins, elle critique l'image que les médias renvoient de l'espionnage. Elle explique que Carrie, personnage principal de la série Homeland, n'aurait jamais pu être envoyée en mission avec des troubles émotionnels pareils puisque les espions doivent faire preuve de stabilité mentale.  Aussi, contrairement à James Bond, l'espionnage n'est pas l'affaire d'un unique homme surentraîné mais d'une équipe entière qui doit se serrer les coudes. L'esprit d'équipe mais également la créativité sont des qualités recherchées chez les espions. Il faut pouvoir faire preuve d'inventivité afin de pouvoir résoudre les situations problématiques mais aussi trouver des chemins sécurisés afin d'aller discrètement d'un point à un autre point sans se faire prendre. Il est également nécessaire d'être intéressé(e) par les relations internationales et maîtriser quelques langues étrangères peut s'avérer être un plus. 


Voici également un entretien avec une ex-agent secret de la CIA qui explique les raisons pour lesquelles les femmes feraient les meilleures espionnes selon elle. Pour résumer, elle évoque la capacité à lire les personnes, la capacité à évaluer si la situation est sûre (les femmes sont plus alertes car plus méfiantes, par exemple si elles se font suivre dans la rue) et l'empathie qui permet de créer des liens plus facilement.


Sources:
http://www.independent.co.uk/news/uk/home-news/women-are-bloody-good-spies-says-female-mi6-agent-9225686.html
http://bigbrowser.blog.lemonde.fr/2014/04/01/mata-hari-moderne-les-services-secrets-britanniques-recrutent-et-surtout-des-femmes/

samedi 19 avril 2014

(vidéo) Les femmes guerrières de Mamadou Ndala - République Démocratique du Congo

En République Démocratique du Congo, les conflits de ces 20 dernières années ont fait plus de 6 millions de victimes. Le gouvernement souffre d'instabilité et l'armée régulière peine à maintenir l'ordre car elle doit se battre contre les milices soutenues par l'Ouganda et le Rwanda (qui sont intéressées par les ressources naturelles du pays) mais elle doit en même temps réguler la violence de la population qui s'est également organisée en groupes armés (parfois pour se protéger mais également pour piller les paysans).  Ce reportage de la chaîne télévisée ARTE nous emmène à la rencontre des femmes combattant dans l'armée régulière ou les milices.



Les Maï-Maï, population armée aux mille visages

Le terme Maï-Maï qualifie l'ensemble des nombreuses milices congolaises. A l'origine, elles s'étaient formées afin de se battre contre les pillards car l'armée congolaise peinait à défendre son peuple. Néanmoins, c'est un nom que de nombreuses milices au but beaucoup moins noble s'attribuent également. Ces dernières pillent au même titre que les autres et il est souvent difficile de différencier les groupes de défense populaire des groupes opportunistes qui volent et violentent la population puisqu'elles utilisent le même nom pour se définir.
Salomé fait partie d'une des milices Maï-Maï. "Je suis venue ici parce que nous avons beaucoup souffert dans notre village", dit elle. "Une milice rwandaise venait piller nos biens et violer les femmes. J'ai alors décidé d'aller les combattre. Si j'ai la chance de revenir je demanderai pardon à Dieu, je redeviendrai chrétienne." Salomé et son groupe taxent les paysans des zones qu'ils occupent. Ils monnayent la protection qu'ils disent apporter à la population.

Les femmes de l'armée régulière sont aussi en première ligne

L'armée régulière se bat contre les milices soutenues par l'Ouganda et le Rwanda mais également contre les milices Maï-Maï. De nombreuses femmes s'engagent dans l'armée congolaise par patriotisme. L'une d'elles explique sa décision de joindre l'armée dans le reportage: "Moi c'est mon choix. Je suis volontaire depuis 1994. J'ai fait des études, j'ai eu mon diplôme, j'ai été commerciale. Puis, j'ai abandonné la vie civile et j'ai décidé de devenir martyr pour mon pays." Ces femmes sont membres du Commando d'Action Rapide (URR) et se retrouvent la plupart du temps en première ligne. "Nous, on est des gens de Dieu. Il faut avoir le coeur dur pour faire ce métier et si tu vois que l'un de ton groupe est mort, tu ne craques pas, tu continues le combat. Moi, je suis une femme. J'ai un corps de femme quoi qu'il arrive. J'ai des seins, j'ai un vagin. Mais quand il s'agit de combattre pour défendre mon pays, je ne suis plus une femme, je suis un homme".

Les milices rejoignent l'armée régulière

Le gouvernement a appelé les milices populaires à déposer les armes. Plus de 2000 miliciens ont décidé de rejoindre l'armée régulière plutôt que de revenir à l'armée civile. Parmi eux, des femmes qui rejoignent alors le "Personnel Militaire Féminin". Gentille, une nouvelle recrue, raconte comment elle a quitté les Maï-Maï: "Mon coeur m'a poussée à rejoindre ceux qui se battent pour le pays.La paix doit revenir au pays mais cette paix je l'ai jamais connue. [...] On était plusieurs femmes, certaines sont mortes. La peur non je n'en avais pas. Si j'avais eu un travail correct avec du respect mutuel j'y serais encore, mais ce qui m'a fait partir c'est de devoir piller les gens et les tuer. Je n'ai aucun bon souvenir, il n'y a aucun travail que j'ai fait chez les Maï-Maï qui m'ait rendue fière. Tu dois obéir aveuglément à quiconque  te dépasse en grade. C'est à toi de toujours savoir où tu vas et d'où tu viens. Fort je demande pardon à ceux à qui j'ai fait du mal.". Une autre ex-milicienne explique que son groupe comportait des voleurs, des assassins et des violeurs qui terrorisaient la population et qui ont par ce fait décrédibilisé les Maï-Maï. 
Ces femmes ont toutes le même parcours, elles ont rejoint tout d'abord les milices afin de se défendre contre les exactions d'autres groupes armés. Elles ne peuvent pas retourner à la vie civile car les ex-miliciens ne sont pas vus d'un bon oeil par le reste de la population. Beaucoup de ces femmes ont des enfants qui accompagnent leur mère dans les camps et sont envoyés chez de la famille pendant les combats. L'une d'elle raconte : "La grande difficulté que rencontrent les femmes c'est que les hommes les abandonnent avec les enfants. Les femmes doivent se débrouiller pour nourrir leurs enfants alors que l'homme, lui, se tourne les pouces." Certaines ont donc rejoint les milices dans l'espoir de trouver de l'aide. Si le patriotisme de ces femmes est apparent, c'est surtout la nécessité de la situation qui les a amenées là.

La mort du Colonel Mamadou Ndala

Le Colonel Mamadou Ndala était un symbole national de la République Démocratique du Congo. Grâce à ses exploits militaires, il a réussi à redresser l'armée régulière qui s'était embourbée dans le conflit depuis deux décennies. Sa mort a provoqué l'émotion des soldat et celle de la communauté congolaise, notamment à l'étranger. L'équipe d'ARTE était présente lors de l'attentat qui prit la vie à Mamadou Ndala le 2 janvier 2014. La garde rapprochée du colonel Ndala comprenait deux femmes. Mado est morte aux cotés du colonel et Séraphine a survécu en sautant de la jeep. Blessée, cette dernière insistait encore qu'on lui donne son arme afin de repartir directement au front juste après l'attentat.
"Quand je serai guérie je rejoindrai de nouveau mon unité, je ne reculerai jamais. Je ne peux pas accepter que nous souffrions et que des étrangers viennent nous faire souffrir chez nous. Je ne me fatiguerai jamais de faire la guerre. J'aime la guerre et à chaque occasion je vais au front. Il suffit que je sois en tenue, que je prenne mon arme en main. Si j'entends que quelque part ça ne va pas je suis la première à y aller. J'ai décidé d'entrer dans l'armée et je sais que je porte mon cercueil sur mon dos à chaque instant."

vendredi 11 avril 2014

Sergent Becci Taylor, expérience d'une femme au front en Afghanistan

Il y a quatre jours, le Général Sir Peter Wall s'est exprimé en faveur pour l'ouverture des unités spécialisées en combat rapproché aux femmes dans l'armée de terre britannique qui compte déjà 10% de femmes dans ses rangs. La question de la place des femmes en première ligne dans les conflits est toujours sujette à discussion pour des raisons diverses (tradition, idéologie, supériorité musculaire de hommes sur les femmes) mais pas les bonnes. L'opinion publique considère souvent que les femmes n'ont pas la force physique requise pour remplir à bien ces fonctions, mais c'est souvent un faux problème puisque les femmes de ces unités ont passé les examens pré-requis et les entraînements avec succès (ce qui font donc d'elles de bien meilleures combattantes qu'un homme lambda sans entraînement, il faut quand même avoir l'honnêteté intellectuelle de le reconnaître). Les véritables raisons qu'invoquent les hauts dirigeants de l'armée sont plutôt d'ordre pragmatique: l'armée est un univers masculin et les femmes auront plus de mal à s'intégrer car l'institution militaire repose entièrement sur le travail d'équipe et le sentiment de camaraderie et de respect de la hiérarchie, or pour ce faire il faut avoir confiance en ses camarades et supérieurs. Le problème est donc dans la relation entre les hommes et femmes au sein d'une unité: les hommes militaires peuvent ne pas faire confiance en leurs camarades féminins à cause des préjugés persistants et les femmes peuvent se sentir exclues, voir en danger puisqu'elles sont en minorité (et pour cause, le taux de viols au sein de l'armée est alarmant). Néanmoins, il faut faire face à la réalité : depuis que les femmes ont pu intégrer l'armée, et que cela soit en tant qu'infirmières, pilotes d'avion ou dans l'infanterie, elles ont toujours été présentes sur le front dans les unités de support (comme les infirmières) ou les unités spécialisées. Elles sont donc exposées aux mêmes dangers que les unités de combat.   Certains pays qui reconnaissent cet état de fait, comme la France, la Norvège ou le Canada ont déjà intégré des femmes soldates dans les unités de combat par souci d'égalité et de reconnaissance. Récemment, ce sont les Etats-Unis et l'Australie qui ont promis de faire de même d'ici les deux années à venir. Le Royaume-Uni est en passe de rejoindre ces pays et c'est donc l'occasion de se plonger dans la réalité des faits au travers du témoignage du Sergent Becci Taylor, femmes britannique ayant servi en Afghanistan.
Sergent Becci Taylor de l'armée de terre britannique
Pour sa première mission en Afghanistan, Taylor se trouvait alors à quelques mètres d'une bombe armée contenant assez d'explosifs pour tuer 10 hommes lorsque les balles ennemies furent tirées. Un groupe de Taliban les avaient pris pour cible, elle et ses trois camarades, mais Taylor agit rapidement : « je les ai vus et j'ai tiré sur eux, puis les paras qui étaient en charge de nous protéger pendant que nous désamorcions la bombe sont arrivés et les ont chassé. » Elle ajoute « tu ne penses pas, tu agis. L'adrénaline monte et l’entraînement te revient puis tu te concentres sur la situation. J'étais plus inquiète pour la sécurité des autres que la mienne. » Taylor, âgée de 31 ans maintenant, a pris la décision de s'enrôler à 19 ans car le train-train quotidien l'ennuyait déjà. Le père de Taylor, un pompier à le retraite ayant également servi dans l'infanterie, n'a pas essayé de décourager sa fille. Contrairement à sa mère qui fut prise de panique lorsqu'elle fut déployée en Afghanistan en 2010. Le conjoint de Taylor, également dans l'armée, comprenait bien les risques du métier mais était soulagé lorsqu'elle revint de sa mission.

Sur le terrain


En tant que spécialiste d'électronique militaire chez les Royal Signals (spécialistes des systèmes d'information et de communication qui sont souvent les premiers envoyés au combat), Taylor était la seule femme parmi les 80 hommes de son camp. Son travail était de bloquer le contact entre les bombes et leur détonateur à distance afin de les désamorcer. Pendant que son supérieur coupe les fils, Taylor fait en sorte qu'aucun signal n'atteint la bombe avant le désamorçage total. Un manque de concentration de sa part serait fatal.
Lors de sa première mission, son travail fut de déconnecter un dispositif explosif improvisé placé par les Talibans. Un véritable piège électronique sophistiqué qui prit plus de 7 heures à mettre hors-service. « Je n'avais rien à manger pendant toute l'opération, j'avais seulement de l'eau. Il faisait un froid de canard et je ne pouvais presque plus sentir mes pieds. Ce jour là on nous a lancé dans le bain d'eau froide, mais heureusement personne n'a eu de ''mauvaise journée au bureau'' ». Une « mauvais journée au bureau », en d'autres termes pour les militaires anglais, personne n'a été blessé ou tué durant l'opération. Le supérieur de Taylor l'a désignée pour rejoindre l'équipe en charge du désamorçage des bombes (bomb squad), une unité où très peu de femmes sont envoyées.  « Quand tu es assigné, tu ne vas jamais refuser, mais j'étais contente de faire ce travail. Je travail sur les signaux électroniques et la plus grande partie de ce que je fais est intangible. Quand tu as participé au désamorçage d'une bombe, tu peux  seulement voir le résultat à la fin et tu sais que c'est toi qui a fait la différence. Des gens seront en sécurité grâce à ton travail. »

Becci Taylor
Photographie du Sergent Becci Taylor

L'importance du travail de désamorçage des bombes


Le désamorçage des bombes est le travail le plus dangereux au monde et entre Janvier et Mars 2011, l'une de ces sept unités britanniques a perdu trois membres au début de leur mission. Aussi, c'est le type de bombe que Taylor a désamorcé qui a tué le Capitaine Lisa Head plus tôt dans la même année. Head était la première femme experte en désamorçage de l'armée britannique. Un coup dur pour la famille de Head, mais aussi pour les membres de son unité. « c'est impossible de ne pas penser à la mort. Parfois quand je sors du camp je ressens une gène et lorsque je retourne au camp je suis soulagée d'être rentrée en une seule pièce. Je ne pensais pas à ça tous les jours, mais la mort et les blessures font parti de notre quotidien et ça serait un mensonge de dire que je n'y pense jamais. » Car l'équipe de Taylor a eu son lot d'émotions fortes: «Il y avait cette fois ou nous étions 22 et nous avons marché sur une plaque de pression (détonateur).  Aussi incroyable que cela puisse paraître, la bombe n'a pas explosé. La pire chose qui puisse arriver lorsque tu es en mission, c'est de rentrer et d'apprendre que quelqu'un a été tué. » Les bombes placées par les Talibans, surnommées « confettis » par les soldats de l'armée britannique, sont néanmoins dangereuses. Elles sont composées d'explosifs mais également de clous et de ferraille afin de maximiser les dégâts, ce qui en fait des armes mortelles. L'équipe de Taylor faisait partie de l'opération soufre (Brimstone) qui avait pour mission de nettoyer le village de Char Coucha, un vaste travail de déminage afin de rendre le village à nouveau habitable. « Les Talibans avaient forcé les villageois à placer les bombes dans leurs maisons, puis ils ont chassé tous les habitants du village. Notre travail était donc de sécuriser l'endroit pour permettre aux familles de revenir. » 

Le journal The Mirror compare le récit du Sergent Becci Taylor au film télévisé britannique "Our Girl", une fiction racontant l'histoire d'une jeune femme, Molly Dawes, s'engageant dans l'armée dans l'assistance médicale et se retrouvant au front en Afghanistan. Le film est peu connu et est donc difficile à trouver mais il est de bonne qualité et permet un aperçu de l'entrainement obligatoire que les nouvelles recrues féminines doivent passer afin de devenir militaire (y compris pour le corps médical de l'armée).

Sources:
Pour lire l'entretien complet en anglais : http://www.mirror.co.uk/news/real-life-stories/female-soldier-describes-life-frontline-1775718
Général Sir Peter Wall sur l'ouverture des unités de combat aux femmes : http://www.theguardian.com/uk-news/2014/apr/06/british-army-women-combat-roles-general

lundi 7 avril 2014

Les femmes enrôlées dans l'armée française, statistiques en image

Aujourd'hui, les femmes représentent dans l'armée française 12,63% des officiers, 16,54% des sous-officiers , 13,52 % des militaires du rang engagés et 30,28% des volontaires, et cette tendance augmente d'années  en années car de plus en plus de femmes décident de s'engager. 

Les femmes ont fait leur chemin petit à petit dans l'armée française depuis 1938 avec la loi dite "Paul-Boncour" sur l'organisation de la nation en temps de guerre qui ouvre les premiers postes aux femmes (avant cela, les femmes étaient tout de même présente auprès de l'armée mais en tant qu'infirmières ou cantinières). La Seconde Guerre Mondiale est souvent citée pour avoir poussé en avant le statut de la femme en France puisque, en plus d'avoir participé à l'effort de guerre, les femmes ont également pris part activement à la Résistance. En 1944 est créé le corps des auxiliaires féminines de l’armée de terre et en 1946, celui des convoyeuses de l’air, des forces féminines de l’air et des sections de la flotte et en 1951, est crée au sein de chaque armée, un corps de personnel féminin comportant un statut proche de celui des autres corps militaires. Pour la première fois, l’état de militaire, à caractère définitif, est reconnu aux femmes mais le texte exclue encore toute assimilation de grade. En 1970, l’Ecole polytechnique ouvre ses portes aux femmes et en 1971, est créé le service national volontaire ouvert aux jeunes filles, définitivement institutionnalisé en 1983. Ce qui permet aux filles d'accéder au volontariat. Les jeunes filles volontaires sont alors recrutées avec les mêmes possibilités d’emploi et de formation que leurs camarades masculins mais sont toujours orientées vers des emplois perçus comme féminins. Il faudra tout de même attendre 1972 pour qu’un même statut militaire soit applicable pour les hommes comme pour les femmes. La loi du 13 juillet 1972 supprime en effet toute discrimination statutaire entre les hommes et les femmes s’engageant dans les armées, ils ont les mêmes droits et les mêmes devoirs, même si les corps d’officiers des armes et des sous-officiers de carrière demeure encore fermés aux femmes. Cependant, il faut rappeler que le corps de l'armée professionnelle reste un endroit hostile aux femmes, outre le coté "macho" inévitable, mais surtout dû au nombreux viols commis par les soldats sur leurs propres camarades féminins et contre lesquels les hauts responsables  ne savent que faire, si ce n'est d'essayer d'étouffer les affaires pour éviter tout scandale.

Selon les mots du Ministère de la Défense,"il n’y a quasiment aucune limite à l’intégration des femmes, toutes spécialités confondues. Seuls les postes à bord des sous-marins et les postes de sous-officiers dans les escadrons de gendarmerie mobile demeurent spécifiquement réservés aux hommes". L'armée reste tout de même un monde d'homme même si la profession attire de plus en plus de femmes qui passent les épreuves de qualification avec succès et sont déployées sur le terrain au même titre que leurs camarades, excepté pour les deux spécialisations citées plus haut. Afin d'avoir une meilleure idée, je vous propose ces illustrations de statistiques qui permettent de visualiser le nombre de femmes dans l'armée française et leurs fonctions.

Infographie Les femmes dans l'armée française - Eclairage Public


Sources : http://eclairagepublic.net/les-femmes-dans-larmee-francaise/
                http://www.defense.gouv.fr/sga/a-la-une/les-femmes-militaires-aujourd-hui
                http://www.defense.gouv.fr/sga/a-la-une/les-femmes-militaires-leur-place-dans-l-histoire

jeudi 3 avril 2014

Après le génocide, les Rwandaises reconstruisent leur pays

C'est souvent après la guerre que le statut des femmes est enclin à changer puisque, les hommes étant en première ligne, ce sont aux femmes de prendre en charge les tâches que les hommes tenaient, mais c'est aussi aux femmes de reconstruire le pays que les hommes ont laissé à feu et à sang. C'est dans ces conditions que les Rwandaises, connues de part le monde pour avoir subi les ravages de l'une des armes de guerre les plus destrucrices: le viol, accèdent aujourd'hui à une nouvelle reconnaissance sociale. Si elles ne sont pas à proprement parler des guerrières, bien qu'elles aient survécu à l'un des conflits les plus violents envers la population civile de ces dernières décénies, on ne peut dénier le courage et la force  de ces femmes qui reprennent en main leur pays après le génocide de 1994 qui aura couté la vie à plus de 800000 personnes, majoritairement de l'ethnie des Tutsis. 

La nécessité fait loi


Après la guerre civile, la population du Rwanda devint essentiellement féminine ; les Rwandaises la composaient à 70%. C'est donc naturellement qu'elles reprirent les fonctions laissées vides des hommes disparus. Après la déstruction quasi-totale du pays et de toutes ses institutions, les nouveaux conseils locaux et les organes de justices "de débrouille" ont du très vite s'organiser et ce avec les moyens du bord, et petit à petit, avec l'aide d'organisations internationales, ces structures fragiles ont pu lentement se transformer en institutions étatiques et former un nouveau gouvernement. Cette situation a permis à de nombreuses femmes de faire leur chemin et de s'installer durablement à tous les niveaux de la politique du pays. Néanmoins, ce n'est pas uniquement la nécessité (à comprendre ici "parce qu'on avait pas trouvé mieux") qui fait que les femmes ont gagné en importance dans la société rwandaise mais c'est surtout le courage et la détermination qui ont poussé ces femmes vers l'avant, ce qui n'est pas chose aisé lorsqu'on a vu tout son monde s'écrouler autour de soi et avec lui sa famille et sa communauté. Si le Rwanda est aujourd'hui le pays dont le parlement est le plus féminisé au monde avec 64% de femmes, c'est avant tout parce que ces dernières ont une volonté d'acier et l'espoir de voir leur pays retrouver la paix. 


...mais la volonté est le plus puissant de tous les leviers

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Eugenie Mukeshimana, maintenant à la tête du
Genocide Survivors Supporter Network,
chargé d'aider les survivants de génocides
Eugenie Mikeshimana est un exemple d'ascention des femmes rwandaises après la guerre civile. Mikeshimana , persécutée pour être née Tutsi, a frôlé de près la mort à 22 ans. Un jour après avoir accouché  seule et en clandestinité, son mari ayant été assassiné durant le conflit, elle est capturée par une milice qui s'apprête à lui ôter la vie. Par chance, un conflit entre les guerriers retarde l'exécution et finalement les membres du Front Patriotique Rwandais, arrivent juste à temps et libèrent Mikeshimana ainsi que les autres prisonniers. Pourtant, après la guerre, Mikeshimana ne perd pas totalement espoir, bien qu'elle ait cottoyé l'"abominable jusqu'à ce qu'il devienne la normalité" selon ses mots, elle décide de travailler en tant que dirigeante d'une entreprise de construction. Le Rwanda repose sur une société très machiste, et le monde de la construction est bien sûr traditionnellement réservé aux hommes, mais les femmes se présentent aux entretiens et obtiennent des emplois même dans les  secteurs masculinisés (et au Rwanda, presque tous les secteurs économiques étaient masculins puisque la femme restait très souvent confinée au foyer et ne prenait pas part à la vie publique). Avec le temps, les hommes se laissent convaincre par la rigeur de travail dont femmes sont capables et ceux aussi bien qu'eux, et parfois même encore mieux car, bien qu'elles soient majoritairement sans éducation et sans expérience professionnelle, elles apprennent et s'adaptent très vite à la situation et utilisent également leurs nombreuses capacités (trop souvent dévaluées) de femmes au foyer. Mais surtout, elles ont gardé la rage de vivre à un moment où leur compatriotes masculins s'étaient laissés moralement détruire. Selon Mikeshimana, "[elles] ne parlent pas beaucoup, mais elles font ce qu'il y a à faire".

La paix, une affaire de femmes?


Mais ce qui est encore plus étonnant, c'est que ces femmes ont montré leur désir de paix et de réconciliation de façon exemplaire :  puisqu'elles étaient organisées dans les groupes politiques et d'action pour la reconstruction du Rwanda dans le même but, les femmes Hutus et les femmes Tutsis se sont cottoyées et ont su travailler ensemble. C'est un effort incroyable qui permit à ces femmes dont les maris, frères, pères et fils se sont entre-tués de travailler main dans la main pour un futur meilleur. Peut être que c'est parce que, dans le chaos, une société peut très vite sombrer dans la violence et la destruction, mais parfois elle arrive aussi à se dépasser et à s'épanouir à l'endroit où l'on s'y attend le moins.


Source: http://www.thedailybeast.com/articles/2014/04/02/two-decades-after-genocide-rwanda-s-women-have-made-the-nation-thrive.html