dimanche 9 mars 2014

Reines-guerrières arabes: l'Impératrice Zénobie et l'Empire Romain

L'une de ces reines-guerrières arabes dont nous avons parlé dans cet article introductif est également une figure proéminente de l'Antiquité : Septimia Bathzabbai dite Zénobie (nom latinisé), Impératrice de Palmyre qui se révolta contre l'Empire Romain d'Aurélien (IIIe siècle après JC).

Bathzabbai Zénobie, une princesse érudite qui campait et chassait avec ses troupes

Statue du XIXe siècle représentant
Zénobie (Bathzabbai) enchainée
(par Harriet Hosner)
Lorsque Bathzabbai naquit au début du IIIe sicèle, la cité de Palmyre (Syrie actuelle) avait le statut de colonie romaine par sa situation géographique clef pour le commerce entre l'Est et l'Ouest. C'est en épousant Odainat, noble ayant le droit de cité et à la tête de Palmyre mais dont la famille fut encore très encrée dans la tradition bédouine, qu'elle gagna en statut. Leur vie maritale était donc partagée entre vie urbaine et vie traditionnelle. Bathzabbai allait souvent chasser, chevaucher et camper avec Odainat. Elle dormait avec les hommes sur le sol, les accompagnaient en campagne militaire en armure et munie de d'un arc et s'était construite une réputation de buveuse respectable lors des réunions avec ses soldats et généraux. Mais elle était également très cultivée : parlant cinq langues, sachant lire (ce qui était assez rare à l'époque) et écrivant même une Histoire de Palmyre. Son intérêt pour les arts et l'éducation à fait de sa cour un endroit réputé pour les philosophes, savants, intellectuels et artistes et Palmyre devint ainsi un centre culturel très prolifique à cette époque.


De rapides et nombreuses conquètes militaires 

Situation géographique de Palmyre (Palmyra en anglais)
Odainat et Bathzabbai profitèrent de la situation fragile en Perse ainsi que celle de Rome (occupée par les invasions barbares) afin d'étendre leur territoire. Ils s'attaquèrent d'abord à la Perse usant d'une excuse diplomatique : l'Empereur Romain Valérien ayant été assassiné par Sapor 1er de Perse et Odainat avait le statut de gouverneur de l'Empire Romain Occidental. C'est Bathzabbai qui commanda l'armée menant le siège contre Sapor tandis que son mari gagna du terrain à l'Ouest. Alors qu'Odainat fut assassiné par un membre de la famille (son neveu ? Bathzabbai elle-même?) pour des raisons d'héritage en 267, Bathzabbai arriva à la tête de Palmyre et décida d'aller encore plus loin que son mari, lançant une campagne militaire qui permit à Palmyre d'étendre son territoire jusqu'en Egypte. Elle conquit également le reste de la Syrie, étendit son territoire jusqu'à la ville d'Antioche et l'Anatolie Orientale, parfois en menant elle même son armée, parfois en délégant la tâche à ses généraux. En quelques années, elle fit passer Palmyre du statut de cité-état à Empire, faisant également des alliances stratégiques avec les états voisins. C'est ainsi qu'elle se fit nommer Impératrice de Palmyre et déclara l'indépendance du territoire de l'Empire Romain Occidental qu'elle contrôlait déjà de fait et qu'elle nomma Empire de Palmyre.

Et l'opportunité de défier l'Empire Romain

En orange, l'Empire de Palmyre sous Bathzabbai/Zénobie
En déclarant l'indépendance de l'Empire de Palmyre, Bathzabbai venait de dérober Rome de toute la partie Est de son Empire. Elle se déclara descendante de Cléopâtre dont elle imita le style de vie opulent et fit frapper des pièces de monnaies à son effigie. Elle défia Rome en coupant les routes marchandes servant à amener les récoltes d'Egypte à Rome, ce qui poussa l'Empereur Aurélien à lancer une offensive militaire. Bathzabbai, ivre de victoire et de ses conquêtes, était persuadée de conquérir Rome rapidement et fit même faire un char en or pour son arrivée triomphale à Rome.

Mais il ne faut pas crier trop vite victoire...

Pièce de monnaie à l'effigie
 de Zénobie/Bathzabbai

Mais c'est l'orgueil de l'Impératrice provoqua sa chute et Aurélien repris rapidement l'Egypte et rencontra Bathzabbai et son armée près d'Ankara. Les écrits rapportent que Bathzabbai a été vue tout au long de la bataille, galopant sur son cheval et donnant les ordres à ses généraux. Aurélien gagna cette bataille stratégiquement en entraînant la cavalerie palmyrienne vers l'avant puis en l'encerclant. Bathzabbai retira ses troupes vers Emèse (l'actuelle ville d'Homs). Elle déclara dans une lettre à Aurélien que l'armée palmyrienne n'avait souffert que de peu de pertes, car ce sont les garnisons romaines stationnées à Palmyre dont elle s'était servie en première ligne pour cette bataille. Néanmoins, Bathzabbai se retira dans le désert, puis vers la cité de Palmyre pour l'ultime bataille contre les Romains. Ces batailles furent très coûteuses pour Rome en hommes comme en temps et en matériel car le terrain n'était pas à leur avantage, contrairement aux Bédouins et leurs chameaux. Aurélien fut blessé pendant le premier assaut de la ville et éprouvait des difficultés à maintenir le siège, bien qu'il ait amené avec lui ses meilleurs généraux et leurs troupes. Pressé par les sénateurs de Rome qui lui demandaient pourquoi il avait tellement de mal à se défaire d'une femme, il demanda à Bathzabbai de se rendre sur des termes très généreux. Elle lui répondit que « Cléopâtre préférait la mort à la servitude » et menaça les Romains de plus belle. Cependant, l'Impératrice, prenant conscience que la guerre était perdue, tenta de s'enfuir avec son plus rapide chameau. Elle fut capturée et retournée à Aurélien qui l'exhiba durant la parade victorieuse de retour à Rome en 273. Parmi les éléphants, les tigres et autres animaux exotiques, défilèrent également les captifs, gladiateurs, nobles et guerriers vaincus. Ces derniers devaient porter une plaque permettant à la foule de les identifier, mais on épargna à Bathzabbai cette indignation. De toutes manières, la foule pouvait facilement reconnaître l'Impératrice marchant avec difficulté à cause du poids de ses innombrables bijoux en or massif rendant difficile ses mouvements. Elle était suivie de son fameux char en or sur lequel elle comptait parader victorieuse, mais vide, ultime moquerie des Romains. Bathzabbai vécu le reste de sa vie en captivité mais fastueusement près de la ville actuelle de Tivoli, ayant gagné la sympathie de sénateurs et organisant des salons qui firent partie intégrante de la vie culturelle à Rome.

En savoir plus sur Bathzabbai/Zénobie? Voici un entretien de Jacques Charles-Gaffiot, commissaire d'une exposition de 2001 sur Zénobie et auteur de Moi, Zénobie, Reine de Palmyre.

Source: Women Warriors, A History de David E. Jones, 2005.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire